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Qui les contrôle ?

Au cours des 40 dernières années, l’industrie des semences a été transformée de façon spectaculaire. Elle a évolué d’un secteur concurrentiel de l’industrie agroalimentaire, composé principalement de petites entreprises familiales, à une industrie dominée par un petit nombre de sociétés multinationales opérant dans les domaines de la chimie et de la pharmaceutique. [1]

On les appelle les «BIG 6» : Monsanto, Syngenta, Dupont, Bayer, BASF et Dow Chemical.
En 2014, ils contrôlent  :

100 % du marché des semences GM
75 % de la recherche en sélection d’espèces végétales du secteur privé
60 % du marché des semences commerciales
76 % des ventes mondiales de produits chimiques agricoles

big6

Cette concentration offre un pouvoir sans précédent à ces compagnies sur notre agriculture, au détriment de l’autonomie des agriculteurs, dont le choix des semences diminue.

Ironiquement 3 de ces compagnies ne sont même pas autorisées à planter leurs semences GM dans leur pays d’origine! En effet, il est interdit à BASF, Bayer et Syngenta de semer leurs technologies en Allemagne et en suisse à cause des craintes que leurs citoyen(ne)s ont sur leurs impacts du point de vue environnemental et sanitaire.

Monsanto en 3 minutes

 

VIDÉO: COMPRENDRE MONSANTO EN 3 MINUTES

 

 

 

Cette main mise entraîne de nombreux problèmes :

Perte d’autonomie de la part des agriculteurs

L’importance des agriculteurs en tant que gardiens et promoteurs de la diversité génétique pour l’agriculture et l’alimentation a été reconnue dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) des Nations unies en vertu des dispositions de l’article 9 sur les droits des agriculteurs. Cependant, ce droit fondamental est souvent bafoué par le manque de disponibilité des semences ainsi que par le brevetage des semences, particulièrement OGM.

Historiquement, les agriculteurs ont assuré la conservation d’une diversité génétique de semences à partir de laquelle d’autres agriculteurs et des chercheurs pouvaient puiser, en utilisant l’expérimentation et la sélection naturelle de nouvelles plantes et variétés. Ce droit est en train de disparaître à travers le monde et au Canada par le biais de loi, comme la loi C-18.

En effet, le gouvernement du Canada vient d’adopter la loi C-18, Loi sur la croissance dans le secteur agricole et la met maintenant en œuvre. Ces dernières années, les gouvernements canadiens qui se sont succédé ont coupé des programmes d’amélioration des plantes très productifs. Ils ont aussi adopté des mesures pour restreindre l’accès des agriculteurs à ces ressources en étendant les droits des sélectionneurs et en donnant aux investisseurs privés internationaux des pouvoirs exclusifs sur les semences de nouvelles variétés de plantes. C’est à travers la biodiversité que la nature stimule l’adaptation. L’accès des agriculteurs à une diversité de semences est nécessaire pour que nous puissions avoir des ressources génétiques capables de s’adapter aux changements climatiques, aux conditions de croissance particulières et à la demande des marchés locaux. Remettre les ressources génétiques exclusivement entre les mains d’un groupe d’acteurs commerciaux dominés par quelques sociétés privées mondiales constitue rien de moins qu’une parodie de mauvais goût qui met vraiment en danger la biodiversité et la souveraineté alimentaire. [2]

Poursuite des agriculteurs

Des semences ou du pollen GM peuvent contaminer des cultures non-GM de nombreuses façons: via les oiseaux, pollinisateurs, le vent, les inondations, le nettoyage des machines, le déversement pendant le transport, et une variété d’erreurs humaines susceptibles de se produire à chaque étape du processus de production des cultures.

Ces flux de semences et de pollen présentent une menace économique directe pour les agriculteurs cultivant des cultures conventionnelles ou biologiques. Si les cultures biologiques ou les cultures conventionnelles viennent à être contaminées, les agriculteurs peuvent perdre leur certification, leurs clients, leurs marchés, et leur réputation.

La police des OGM

Les entreprises agrochimiques consacrent des ressources significatives afin de poursuivre des agriculteurs pour violation présumée de brevet des semences. Pour exemple, en 2003, le département d’investigation de Monsanto USA comportait 75 employés avec un budget de 10 millions de dollars. [3] Ce département est en charge d’enquêter sur les fermes et de poursuivre les agriculteurs qui seraient pris en violation des droits de brevets. Ces dernières années, d’autres entreprises telles que DuPont a embauché des compagnies privées des entreprises comme Agro-protection internationale afin de poursuivre les agriculteurs. [4] En 2012, DuPont, a embauché des dizaines d’enquêteurs (souvent des anciens policiers) pour des prélèvements d’échantillons dans les champs au Canada.

Les majorités des enquêtes sur les litiges se finissent par des accords confidentiels hors court compte tenu de l’intimidation exercée par les compagnies. Il est donc difficile de savoir combien d’agriculteurs se font poursuivre par ces compagnies. Cependant, des estimées évaluent qu’aux États-Unis Monsanto a obligé des agriculteurs à payer des centaines de millions de dollar lors de règlement hors cour. À la fin de 2012, Monsanto avait reçu plus de 23,5 millions de dollars de brevet infraction poursuites contre les agriculteurs et la ferme entreprise. [5]

Ces poursuites peuvent aller jusqu’à la faillite des entreprises agricoles. [6]

Augmentation du prix des semences pour les agriculteurs

Les prix des semences ont augmenté de façon spectaculaire dans les cultures où les variétés GM sont maintenant prédominantes comme le maïs, le soja et le coton. Les données de l’united state department of agriculture (USDA) montrent que depuis l’introduction de semences GM, le coût moyen des semences de soja par acre a augmenté de 325 %, passant de 13,32 $ à 56,58 $ . Des tendances similaires ont été observées pour les semences de maïs et le coton : augmentation de 516 % pour le coton entre 1995 à 2011 et augmentation de 259 % pour le maïs durant la même période.

augmentation

Perte de diversité dans les semences = pertes de biodiversité

Le modèle d’agriculture intensive et productiviste dont les cultures OGM font partie est très dépendant d’intrants pétroliers (ex : pesticides, engrais chimiques, transports), contribue aux changements climatiques et cause la contamination de l’eau et l’épuisement des terres agricoles. C’est un modèle non viable qui doit être transformé en profondeur. Mais quand ?

C’est un modèle de monocultures qui n’encourage pas les rotations, ce qui entraîne une diminution de la biodiversité chez les espèces végétales et animales.

La FAO estime que 75% de la diversité des cultures a été perdue entre 1900 et 2000. Une utilisation plus large et meilleure des ressources génétiques et de la biodiversité des cultures vivrières stimulera la conservation. Des systèmes adéquats doivent être mis en place pour rendre de nouvelles variétés accessibles aux agriculteurs par le truchement du secteur public et d’autres acteurs. [7]

Main mise sur la recherche

« Aujourd’hui, des industriels parviennent à occulter des faits et fabriquer des idées trompeuses en recourant à des arguments puisés dans la science elle-même. Cette instrumentalisation de la science permet de transformer l’outil voué à produire de la connaissance en machine à fabriquer du mensonge et de l’ignorance. » [8]

Ce que le Big Tobacco, les principales compagnies de tabac dans le monde, a fait est devenu une source d’inspiration pour d’autres industries comme celles des OGM. Et on retrouve parfois les mêmes acteurs – cabinets d’avocats, scientifiques, dirigeants – pour semer le doute dans les grands débats.

Voici quelques recettes à suivre pour semer le doute:

  • Financer des travaux de recherche qui permettent de «diluer un problème par la documentation d’autres problèmes ». Comme le rôle des prédateurs naturels sur les abeilles, le caractère génétique du cancer, ou le rôle du soleil sur le climat.
  • Surmédiatiser les travaux susmentionnés (publication dans les revues, colloques, annonces dans la presse), pour faire croire à un équilibre entre les différentes théories qui s’affrontent.
  • Monter des organisations ou des think tanks au nom ronflant pour donner des « avis éclairés ». Comme le Global Warming Policy Fundation (industries du pétrole et du charbon), l’International Center for a Scientific Ecology (industries de l’amiante et du tabac), l’International Commission on Plant-Bee Relationships (industries chimiques).
  • Monter des initiatives et les faire passer pour des mouvements contestataires de scientifiques, comme l’appel d’Heidelberg.
  • Placer des gens en conflit d’intérêts dans des organes de décisions, comme dans la contestée EFSA.

Porte tournante OU comment contrôler les institutions fédérales ?

Le documentaire, Le Monde selon Monsanto, décrit très bien comment Monsanto, la multinationale des OGM et des pesticides a réussi à faire autoriser ses produits malgré l’absence de preuve scientifique de leur innocuité. En gros, des personnes-clés de Monsanto passent au gouvernement ou vis versa. Au gouvernement fédéral, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) est sensée garantir la sécurité alimentaire. Ronald L. Doering, qui a été le président de l’ACIA, travaille depuis 2002 pour le cabinet d’avocats Gowling Lafleur Henderson qui a représenté… BIOTECanada, le lobby des OGM contre l’agriculteur, cultivateur de canola, Percy Schmeiser. Doering continue maintenant son oeuvre en attaquant l’agriculture biologique dans la revue Food in Canada [document pdf]. L’association du commerce biologique au Canada répond aux attaques de Doering pour remettre les pendules à l’heure. Si vous n’êtes pas encore convaincu des manœuvres de manipulations de Monsanto, allez voir le film Le Monde selon Monsanto.

Aux États-Unis, les exemples de ‘’portes tournantes’’ d’employés passants d’instances fédérales à Monsanto ne manquent pas !

Références :

[1]Fernandez-Cornejo, J.; Just, R.E. Researchability of modern agricultural input markets and growing concentration. Am. J. Agric. Econ. 2007, 89, 1269-1275.
[2] http://www.nfu.ca/issue/stop-bill-c-18
[3] Peter Shinkle, “Monsanto Reaps Some Anger with Hard Line on Reusing
Seed,” St. Louis Post Dispatch, May 19, 2003.
http://www.mindfully.org/GE/2003/Monsanto-Reaps-Anger12may03.htm
[4] Jack Kaskey, “DuPont Sends in Former Cops to Enforce Seed Patents: Commodities,”
Bloomberg, November 28, 2012.
http://www.bloomberg.com/news/2012-11-28/dupont-sends-in-former-copsto-enforce-seed-patents-commodities.html
[5] Center for Food Safety, Monsanto vs. U.S. Farmers (Washington, DC: Center for Food Safety, 2005), 5.
http://www.centerforfoodsafety.org/pubs/CFSMOnsantovsFarmerReport1.13.05.
[6] See, eg., In re Trantham, 304 B.R. 298 (B.A.P. 6th Cir. 2004); In re Wood, 309
B.R. 745 (Bankr. W.D. Tenn. 2004); In re Roeder, No. 07-01422S, 2009 Bankr.
LEXIS 3949 (Bankr. N.D. Iowa Dec. 14, 2009); see also, e.g., Monsanto Co. v.
Strickland, No. 2:11-ap-80201 (Bankr. D. S.C. Mar. 5, 2012); -Monsanto Co. v.
Slusser, No. 3:11-ap-01170 (Bankr. E.D. Ark. filed May 10, 2011); Monsanto Co.
v. Harden, No. 2:10-ap-616 (Bankr. W.D. Tenn. Aug. 5, 2011).
[7] FAO, 2012 : L’Etat des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde [8] La fabrique du mensonge: Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger, Stéphane Foucart, Collection Folio actuel (n° 158), Gallimard Parution : 10-04-2014