Un bilan du forum agriculture et OGM au Québec
Frédéric Denhez est un journaliste scientifique qui aborde la problématique des OGM sous l’angle scientifique, juridique, économique et éthique, afin de comprendre les polémiques suscitées par le sujet et envisager des alternatives raisonnées.
Il fut le principal conférencier lors du forum agriculture et OGM : Réfléchir et agir ensemble à Drummonville, les 11 et 12 novembre 2013. Durant ce forum organisé par l’UPA, des représentants des fédérations régionales et groupes spécialisés étaient présents.
Après ce forum Vigilance OGM a posé 3 questions à M Denhez en forme de bilan, voici les réponses
1) Suite au forum, que pensez-vous de la réalité québécoise face au développement des OGM?
Frédéric Denhez : Une réalité… assez effrayante. Car j’ai bien saisi, même si ce ne fut pas dit comme cela, qu’il était très difficile, sinon impossible, pour les agriculteurs québécois, de choisir : il y a tellement de terres cultivées en OGM, la loi sur la contrefaçon est tellement efficace que je ne vois pas comment un « conventionnel » pourrait résister longtemps à la pression des semenciers. Il suffit en effet de quelques pousses de plants génétiquement modifiés, arrivés par le vent, pour être accusé de piraterie, menacé d’être traîné en justice sauf si l’on signe le bon contrat.
Malgré tout, j’ai vu une agriculture dynamique, diversifiée, où les non conventionnels ont leur place, où personne ne s’invective durant ce forum (ça, pour un Français, c’est surprenant). Mais ils sont cernés !
2) Quelles sont à votre avis les réelles utilités agronomiques des OGM jusqu’à présent? (Rendement, facilité, gain ..)
Frédéric Denhez : Il y a du bon dans les premiers temps d’une culture ogm mais ensuite, après quelques années, les résistances se développent et il faut recommencer. Le bénéfice n’est donc palpable que chez les plus gros, ceux dont les coûts de production, ramenés à l’hectare, sont les plus faibles. Pour les autres, je n’en vois pas l’intérêt économique. D’autant qu’en France, les agriculteurs conventionnels qui sont passés, pour des raisons économiques le plus souvent, au sans -labour ou au semis direct, conservent les mêmes rendements, ce qui veut dire qu’ils atteindront des rendements supérieurs après quelques années encore et le retour d’expériences.
Par contre, il est vrai que l’OGM facilite la vie de celui qui l’utilise. Mais celui-là est-il encore un agriculteur ? Je ne sais pas. Utiliser des OGM c’est se lier un peu plus les mains et les pieds avec l’industrie agroalimentaire, confier son métier à du machinisme et des intrants. Est-ce cela le métier de cultivateur ?
3) Quels seraient les changements à apporter pour que cette technologie soit profitable aux agriculteurs ? Est-ce envisageable ?
Frédéric Denhez : Les changements ? Mais que ce soient eux, et eux seuls, qui décident ! Qu’ils ne risquent pas le tribunal si des semences génétiquement modifiées sont arrivées « par hasard » sur leurs terres ! Que leurs conseillers techniques ne soient pas juges et parties, inféodés à l’industrie ! Qu’ils puissent mieux participer à la formation du prix de leurs productions !
L’agriculture doit demeurer aux agriculteurs. Avec les OGM, on va encore plus loin dans la séparation des deux. Raison pour laquelle je soutiens que les OGM d’aujourd’hui n’ont aucune utilité sociale, car ils sont dangereux pour le monde agricole. Ce qui ne doit pas interdire de chercher, d’expérimenter, au cas où l’on tomberait sur une vraie avancée technique.
Les conclusions de M Denhez sont assez claires en ce qui concerne l’utilité des OGM pour nos agriculteurs et agricultrices au Québec.